Creizic
La gestion de Creizic
Creizic, petite île de 3,5 hectares, est l’une des 50 îles du golfe du Morbihan. Elle est située au sud-ouest de l’Île-aux-Moines.
Son espace naturel a connu, comme beaucoup d’îles, la déprise agricole. Progressivement, à partir du début des années 1990, des prairies ont été ouvertes, entretenues et inventoriées, tout en maintenant une surface importante de fourrés naturels.
Trois milieux principaux occupent les 3,5 ha de Creizic : prairie, boisement, fourré. Chacun de ceux-ci représente approximativement le tiers de l’île.
Le seul entretien des prairies dépasse très largement la centaine d’heures de travail intense par an.
La gestion d’une petite île est extrêmement coûteuse en temps. Elle demande également une implication physique notable, parfois démesurée.
Au temps à y consacrer, il faut ajouter le budget que demande l’intervention de spécialistes, tout particulièrement des bûcherons après les tempêtes.
Aucun suivi n’est réaliste s’il n’y a pas de bâti (logement, entreposage etc.).
L’insularité complique l’accès et, en corollaire, la gestion et la maintenance de l’outillage.
L’insularité signifie accès particulier, souvent difficile (les courants, les parcs à huîtres, les conditions météorologiques) et, il ne faut pas donc l’exclure, danger (lié à l’accès, l’isolement, etc.).
L’exportation des déchets doit être envisagée dans cette réalité (feux contrôlés sur place).
Un savoir naturaliste est nécessaire. Celui-ci est le déterminant essentiel de l’action efficace.
Les principes de gestion observés à Creizic
L’ouverture des prairies est le fruit d’une quantité considérable de temps et d’actions menées depuis les années 1990. Elle a nécessité de s’appuyer sur un outillage adapté.
Des connaissances botaniques exercées à la suite d’un inventaire floristique réalisé en 2006 permettent un regard averti sur l’évolution du milieu.
Quatre prairies présentent similitudes et différences.
Les principes de gestion :
- fauche tardive avec exportation ;
- coupe des bordures : élimination des genêts (Cytisus scoparius) et ajoncs (Ulex europaeus) colonisateurs;
- pâturage éventuellement interrompu au printemps.
La « prairie d’en-haut », tournée vers le sud – sud-ouest, a été nommée ainsi car c’est là que se trouve le sommet de l’île Creizic : 18 m. Densité et diversité y sont les plus remarquables de l’île. On peut y observer, parfois en nombre : jacinthes des bois (Hyacinthoides non-scripta), flouve odorante (Anthoxanthum odoratum), pied d’oiseau délicat (Ornithopus perpusillus), luzule champêtre (Luzula campestris), conopode dénudé (Conopodium majus), jasione des montagnes (Jasione montana), clinopode commun (Clinopodium vulgare), laîche de Paira (Carex pairae), etc.
Les menaces de fermeture y sont dues à l’ajonc qui tente de recoloniser la partie sud ainsi qu’une parcelle déportée au sud-est. La fougère aigle (Pteridium aquilinum) peut se montrer encore colonisatrice sur le versant tourné vers l’île de la Jument.
La « prairie des pommiers », près de la maison, au-dessus du rivage est, est la plus anthropisée. Elle joue pour partie le rôle de « cour de ferme » autour de la remise-bergerie (petite construction du milieu du 19è siècle). C’est le point central des soins aux moutons (quatre moutons d’Ouessant), de l’entretien de l’outillage, etc. C’est également le point de recueil des eaux de pluie (récupérateurs alimentés par le toit, abreuvoir pour les animaux, etc.)
Cette prairie a été la première ouverte (à partir de 1990) puisqu’elle était proche de l’entrée de l’île.
Sa richesse végétale est plus réduite malgré la présence entre autres du dompte-venin officinal (Vincetoxicum hirundinaria) à côté de la germandrée scorodoine (Teucrium scorodonia), du lierre terrestre (Glechoma hederacea) et de la petite oseille (Rumex acetosella), etc. On peut noter cependant que la zone la plus haute de cette parcelle s’est récemment agrandie à la suite de la chute d’arbres dans la tempête Alex et qu’une végétation pionnière particulière s’y est développée : digitale pourpre (Digitalis purpurea), gnaphale ondulé (Pseudognaphalium undulatum), Verbascum ont poussé là densément. Ce secteur comporte aussi un groupe d’érables sycomores (Acer pseudoplatanus) des années 60/70.
Une douzaine de pommiers ont été plantés en 2000 puis quelques pieds de vigne, les uns et les autres protégés des moutons et des ragondins par du grillage. Le verger s’avère très fructifère.
Les points à surveiller sont ceux des semis d’arbres : érables et ailantes (ces derniers apparaissent encore après l’abattage de cinq grands arbres quadragénaires en 2008).
Son versant ouvert au nord offre l’été un pâturage frais aux moutons.
Elle comporte quelques particularités botaniques : brachypode penné (Brachypodium pinnatum), canche printanière (Aira praecox), herbe aux femmes battues (Tamus communis), etc. et demande encore une gestion spéciale dans la mesure où une partie de sa surface est récemment ouverte et donc soumise à la repousse de la fougère aigle. Les bordures demandent également à être maintenues régulièrement.
Une taille plus réduite, une végétation moins riche (où on retrouve cependant brachypode, millepertuis, jasione), lui valent, depuis la tempête Alex, la fonction d’entreposage des bûchers.
Une cinquième zone ouverte présente un intérêt particulier sur le plan botanique. Il s’agit de la zone ouverte entre le boisement qui borde la maison et l’arrière de la bergerie. Cette parcelle n’est pas accessible aux moutons. C’est la zone où se développent le plus de plantes annuelles : trèfles (Trifolium glomeratum et Trifolium repens), vesces (Vicia sativa, Vicia lutea, Vicia hirsuta), lotier (Lotus angustissimus) et surtout le torilis hétérophylle (Torilis arvensis subsp purpurea) qui est une espèce patrimoniale (liste rouge armoricaine).
Cette zone est menacée en permanence par l’embroussaillement : prunelliers (Prunus spinosa), ronces (Rubus sp.)… Déjà de petite taille, à sa lisière cette parcelle voit le développement de semis de pins. L’équilibre est à maintenir avec un outillage différent à cause de la présence de deux excavations de construction où poussent des espèces intéressantes.
Gestion des boisements
Même s’il est le fruit des pratiques paysagères de l’après-guerre, l’intérêt du boisement ne fait pas de doute tant sur le plan du paysage, de l’esprit de l’île que, bien sûr, de la diversité animale (buse, moyen-duc mais aussi écureuil roux).
La réflexion autour du reboisement de l’île avait amené en 2000 la plantation d’une trentaine de chênes verts (Quercus ilex) et d’arbousiers (Arbutus unedo) en rideau au-dessus de la ptéridaie. Vingt ans plus tard, ont commencé d’autres actions ciblées : semis ou plantation de chênes, ormes, quelques châtaigniers, noisetiers, frênes.
Des obstacles importants existent (les arbres déracinés et les arbres à abattre, les cratères des souches, la présence des moutons…) et limitent les zones d’action. Un budget de bûcheronnage très important est à prévoir.
Ce reboisement est pratiqué de façon réfléchie, en harmonie avec la réflexion que les instances naturalistes et politiques mènent, en particulier sur le plan local.
Gestion des fourrés
Les fourrés sont particulièrement connus car c’est à eux qu’ont été arrachées, pied à pied, les prairies.
Ils sont respectés pour l’accueil qu’ils assurent à la faune.
Le prunellier (Prunus spinosa) a une large présence ponctuelle mais également en bosquet : ces zones-là sont gérées de façon à mettre en valeur leur particularité à cause de l’impact paysager de cette espèce.