Connaître et protéger : le suivi botanique de Chausey
Suivi botanique des îles Chausey
La SCI propriétaire des îles Chausey a chargé en 2009 la botaniste Claudine Fortune d’une mission comportant deux volets :
- l’étude de la végétation patrimoniale présente sur sa propriété, c’est-à-dire 38 hectares sur les 45 de la Grande Île et la totalité des 20 hectares des îlots. La première année a été dédiée à l’inventaire et la cartographie des espèces patrimoniales présentes sur la Grande Île. La deuxième année, 2010, le même travail a été effectué sur les îlots.
- les préconisations de gestion correspondant à la situation observée, Chausey connaissant deux menaces principales : la fermeture du milieu par l’embroussaillement et les conséquences de l’accès d’un public trop nombreux (piétinement, dégradation, etc.).
Une mission botanique pérenne
Les espèces patrimoniales étudiées
Les espèces patrimoniales étudiées répondent en 2009 à divers classements :
- les espèces végétales protégées au niveau européen, ou intégralement protégées par la loi en Basse-Normandie ou sur l’ensemble du territoire national ;
- les espèces non protégées mais appartenant à la liste rouge des espèces végétales menacées du Massif armoricain ;
- les espèces appartenant à la flore rare et menacée de Basse-Normandie ;
- des espèces non protégées mais considérées comme menacées de disparition ou vulnérables.
La mission de la botaniste se poursuit sans interruption depuis 2009. Ses recommandations de gestion sont suivies et leur résultat fait l’objet de son rapport annuel :
- 2009 : « Espèces végétales patrimoniales de la Grande Île de Chausey »
- 2010 : « Espèces végétales patrimoniales de quelques îlots »
- Depuis 2011 : « Étude de la dynamique d’espèces végétales patrimoniales – Îles Chausey »
Quelques exemples d’observations ou de recommandations donnent à comprendre la rigueur de cette gestion :
«La ravenelle maritime, avec ses grandes rosettes, peut gêner ou même empêcher le développement du trèfle raide qui est protégé et n’est plus connu en ex-Basse-Normandie qu’à Chausey. Il est donc souhaitable… de couper chaque rosette sous le collet… »
« Il est souhaitable d’arracher les pieds de séneçon jacobée présents dans ce secteur. »
« La population de trèfle raide (Trifolium strictum) du tombolo et le quadrat n°5 ne doivent pas être coupés du 1er avril au 15 juillet ».
« Au niveau des affleurements rocheux et de leur pourtour, il est recommandé d’évacuer la végétation coupée, à l’aide d’un râteau, d’une tondeuse à gazon ou de tout autre moyen. En effet, l’accumulation des résidus végétaux dans ces secteurs risquerait d’entraîner à brève échéance la disparition de ces espèces patrimoniales ».
« Étant donné qu’une végétation concurrente constituée de vivaces s’est développée dans le secteur où croît la gesse à graines sphériques (Lathyrus sphaericus), il est souhaitable de rouvrir le milieu en coupant et exportant une nouvelle fois la végétation, afin de recréer des conditions plus favorables au développement de cette espèce patrimoniale qui était plus abondante ici dans le passé. »
« Le remblaiement du chemin, notamment pour combler les flaques d’eau est à proscrire… »
(Concerne un chemin qui comporte régulièrement des flaques d’eau de mer qui amènent le développement d’une plante inféodée au milieu salé, l’atropis fasciculé).
« Par contre, afin d’éviter une fermeture du milieu qui serait préjudiciable au maintien de cette espèce protégée, il est souhaitable de prévoir un fauchage annuel de la végétation en juillet et éventuellement un deuxième fauchage en septembre avec exportation du produit de la fauche, dans tous les secteurs où elle est implantée. »
« Il est nécessaire de procéder au repérage des pieds (la cynoglosse officinale) afin qu’ils ne soient pas coupés, faute de quoi la plante ne pouvant produire de graines finira par disparaître, probablement à brève échéance ».
C’est donc de la façon la plus adaptée possible que se poursuit la gestion des espaces naturels de Chausey, une adaptation qui concerne le matériel, en particulier sur le milieu dunaire, les dates d’intervention mais aussi le rythme à leur donner, le processus. Faisant cela, la SCI a pour objectif la préservation de la biodiversité que la surfréquentation menace.
Depuis le début de cette mission, la SCI met les rapports annuels à la disposition du public qui consulte son site, lui donnant la chance d’un regard plus averti sur la diversité végétale de ce territoire, sa force mais aussi, il faut en avoir conscience, sa fragilité.
Le suivi
Le suivi de l’impact des mesures de gestion est réalisé par l’intermédiaire de « carrés permanents » ou « quadrats » à vocation expérimentale : ces surfaces, généralement de 3 m x 3 m, sont matérialisées de façon durable par des tiges installées dans des bornes. .
L’emplacement de chaque carré a été choisi afin de suivre la dynamique d’une plante donnée (œillet de France, géranium sanguin par exemple).
Tous les ans, à la même époque, les espèces végétales présentes y sont listées, jaugées (leur recouvrement), mesurées (la hauteur des plantes), comptées (Exemple de comptage : 844 pieds de trèfle raide dans le carré permanent n° 5 en 2021). Les relevés sont comparés avec ceux de l’année précédente et des années passées.